Première inspection de la Tempête Rouge

Moins d'une demi-semaine était passée depuis que Sir Thomas, prenant le large à bord de la Rosemarie, n'étais pas retourné sur la Tempête Rouge. Trois jours de poursuites, d'abordages, de pillages et de hauts faits qu'aucun historien ne pourrait rapporter. Trois jours à peine depuis son accession au poste de Capitaine de la flotte pirate, et il lui semblait déjà qu'il eut fait ce métier toute sa vie...

A présent, il était temps de retourner au quartier général pour mettre un peu d'ordre dans ses affaires. La Rosemarie était une corvette agréable, à la fois rapide et maniable, et qui sous ses allures luxueuses dissimulait en fait une véritable artillerie de combat : rien de moins de trente-trois pièces d'artilleries, canons lourds et légers, qui ornaient les flancs du vaisseau pirate comme autant de dents d'acier acérées. Mais, aussi agréable qu'il puisse être, ce splendide navire n'était pas, par tradition, la demeure du Capitaine.

Sir Thomas, posant pour la première fois depuis sa nomination le pied sur son navire amiral, avait dans l'esprit de rencontrer au plus vite les capitaines de piraterie qui naviguaient sous sa bannière. Il les avait donc convoqué formellement pour une réunion sur le navire, et ceux qui oseraient désobéir seraient considérés comme des traîtres ; il est bon en effet de savoir où sont ses amis, et par la même occasion de s'enquérir de ses ennemis. Le métier de capitaine pirate n'avait rien d'une sinécure, et il fallait toujours s'assurer de la loyauté de ceux que l'on commandait avant de songer aux rapines et au butin.

Déambulant avec une nonchalance feinte, le jeune homme observait de son regard d'aigle chaque petit détail de la vie quotidienne sur le navire, notant dans sa tête les éventuelles imperfection pour les remiser avec un tas d'autres notes, quelque part dans un recoin de son cerveau. D'abord, voir les capitaines, et après seulement, s'occuper du reste...

Ses bottes cirées claquaient contre les planches à chacun de ses pas tandis qu'il se frayait un chemin à travers le labyrinthe de cordes emmêlées qui jonchaient le pont, et il caressait distraitement de sa main droite la garde de sa longue rapière, le regard perdu dans le vague, plongé dans quelque pensée profonde. Dans ses moments-là, mieux valait ne pas l'ennuyer, car il en prenait facilement ombrage et ne tardait pas à gratifier le gêneur d'un regard assassin. Pourtant, en ce beau matin ensoleillé, quelqu'un allait malgré lui provoquer l'ire du nouveau Capitaine...

En effet, arrivé au bord du bastingage, le jeune homme se sentit soudain heurté à l'épaule par un maladroit malchanceux. Brusquement tiré de sa rêverie, il pivota d'un bloc vers celui qui venait de le bousculer ainsi en lâchant d'un ton froid :

- Je vous prierais de bien vouloir apprendre à vous tenir sur un bateau, à défaut d'apprendre la politesse...

Son regard bleu perçant se posa sur son interlocuteur, superbe et dédaigneux, tandis qu'il rejetait une mèche en arrière d'un geste absent.

Cela faisait maintenant quelques jours que le capitaine Thomas ne s'était pas montré sur la Tempête. Cela faisait quelques semaines que Kytta s'ennuyait sur la Tempête Rouge. La Rosemarie était toujours prise pour les pillages et les actes de pirateries pendant que le Grand Rouge restait à l'arrière. Kytta, qui n'avait jamais vraiment eu de respect pour l'autorité, n'était pas prête pour commencer à en avoir envers Thomas. Plusieurs l'appelaient Sire, ce qui était vraiment des plus surprenant, enfin, surtout pour la jeune fille. Comment des hommes et des femmes qui dénigrent, brûlent et répugnent tout ce qui attrait à la royauté (faisant première référence à Urua) avaient accepté de nommé leur capitaine Sire? Cela échappait à la logique de Kyt. Jamais elle n'avais appelé son capitaine par son nom de famille et rarement Capitaine, alors ce ne serait pas avec le nouveau qu'elle commencerait.

En cette matinée où le soleil tenait compagnie aux matelots, Kytta flânait ici et là, cherchant de quoi se divertir. Elle n'avait tellement rien à faire que la veille, elle avait aider à cirer le pont. Rien de bien divertissant, mais au moins, cela tenait occupé. Ce matin, elle ne trouva rien de mieux que de se promener tout simplement, Spike, son fidèle macaque, sur l'épaule.

"Et dire qu'on pourrait être en train de s'amuser si Thomas n'avait de préférence pour la Rosemarie... Qu'est-ce que t'en pense Spike?"

L'animal répondit d'un petit son endormi. Il avait été un peu tiré du lit par sa maîtresse, alors il avait décidé de finir sa nuit au chaud, blottit contre le cou de Kyt. Cette dernière entendit à peine la réponse de son ami, car elle était complètement perdu dans ses pensées, maudissant le nouveau capitaine. Elle ne faisait pas vraiment attention où elle allait, son corps connaissant par coeur le vaisseau. Seulement, un nouvel obstacle la sortit de sa rêverie. Elle avait accroché plutôt violemment une personne venant à sens inverse. Elle n'eut même pas le temps de réaliser ce qui venait de se passer que cette dite personne l'injuriait déjà.

"Je vous prierais de bien vouloir apprendre à vous tenir sur un bateau, à défaut d'apprendre la politesse..."

"La politesse? Et pis toi, t'as pas trop l'air de savoir ce que c'est non plus..."

Son regard croisa finalement celui de l'impoli et prit une ou deux secondes avant de réaliser de qui il s'agissait.

"Oh! Attention, c'est le nouveau capitaine Siiiiirrre* Thomas sur qui j'ai foncé. Veuillez me accepter mes humbles excuses..."

Et elle fit la révérence tels les gentilshommes de la cour. Mais, même à première vu, cela se voyait que Kytta se moquait de la situation. Le ton qu'elle avait pris était sarcastique et l'accent qu'elle avait sur le Sire était plutôt provocateur. Finalement, elle s'était baissée tellement bas lors de sa révérence que s'en était presque ridicule. Ce n'était certes pas nouveau, sans avoir à redire le manque de respect envers l'autorité expliqué plus haut. Elle se releva et termina sa phrase en dévisageant presque son capitaine.

"... Ô et grand puissant CA-pitaine!"

Sire Thomas, stupéfait, était resté un moment bouche bée devant l'impudence décontractée de son interlocutrice. Déjà, elle avait répondu à sa remarque d'un ton sarcastique et arrogant qui l'avait cloué sur place, mais le pire, c'était que même après l'avoir reconnu comme son supérieur elle continuait de s'adresser à lui avec mépris. Et elle faisait de l'ironie, en plus !

Il était réputé pour son calme flegmatique et son impassibilité inaltérable, mais là, il sentait vraiment la moutarde lui monter au nez. Cette... gamine... osait se montrer insolente avec lui, son Capitaine ! Non seulement elle ne reconnaissait pas son autorité, mais en plus elle lui manquait ouvertement de respect ! Levant un sourcil en signe d'irritation, il jeta un coup d'œil à la ronde. Le pont était presque désert, et les rares matelots qui s'affairaient au loin ne pouvaient avoir été témoins de cette scène impardonnable.

* Mais... Elle est malade, cette fille... ?! *

Visiblement, elle avait un problème avec l'autorité. A moins qu'elle n'ait un problème avec lui, tout simplement ?

* Elle va voir ce qu'elle va voir, cette sale petite garce... *

Les traits de son visage ayant gardé leur immobilité de marbre, le jeune Capitaine jeta sur la jeune fille un regard hautain et avec tout juste assez de mépris pour en être embarrassé. Il la dévisagea froidement des pieds à la tête, comme elle l'avait dévisagé quelques instants auparavant, et ses deux grands iris aux reflets d'océan la sondèrent d'un regard impossible à déchiffrer.

Elle était grande, mince et - il devait l'admettre- plutôt jolie. Ses longs cheveux noirs aux étranges mèches émeraudes lui tombaient dans le dos comme un sombre rideau mortuaire, retenus par un large bandeau de couleur orange vif qui faisait ressortir leur noirceur. Ses habits étaient plutôt légers aux goûts du jeune homme, mais on était sur un vaisseau pirate après tout ; enfin, il réprima un mouvement de recul en posant les yeux sur l'immonde macaque qui s'accrochait au cou de la jeune fille, jetant sur lui un regard inquisiteur.

* Quelle idée d'amener cette... cette chose à bord d'un bateau ! *

Quand il l'eut suffisamment fixée pour qu'elle puisse se sentir gênée (voire insultée, car Thomas était très fort pour donner à son regard une expression si neutre qu'on pouvait y lire n'importe quoi, et en général le pire), il releva le menton et répondit comme s'il n'avait rien entendu :

- Ainsi, mademoiselle, vous paraissez vous ennuyer un peu, toute seule sur cet immense navire... Je me trompe ?

Une certaine dose de méchanceté sadique le fit intérieurement sourire tandis qu'il poursuivait :

- Après tout, il est vrai que vous n'avez pas dû être sélectionnée parmi les équipages qui devaient préparer des abordages, et je crois même deviner pourquoi...

Haussant des épaules avec décontraction comme si, finalement, tous ça n'avait pas la moindre importance, il lui fit son plus beau sourire et lança :

- Dans ce cas, je vous invite à rejoindre mon équipage pour notre prochain abordage. Nous aurons besoin à notre bord de personnes telles que vous qui savent garder les pieds sur terre...

Le ton de sa voix indiquait qu'il ne s'agissait ni d'une invitation, ni d'une récompense, et sa phrase n'avait de compliment que le nom...

Elle avait finit son petit manège qui l'avait sortit de son ennuie. Sa révérence des plus basses avait manqué de faire tomber Spike. Ce dernier n'eu d'autre choix que de se réveiller, de s'aggriper comme il put et de prendre connaissance de ce qui se préparait. Ce n'est pas parce qu'il est un singe qu'il est idiot, au contraire! La tension grandissante entre les deux interlocuteurs le mit sur ses gardes. Sa maîtresses était capable du meilleur et du pire des capitaines, Kellian en est une preuve. Il avait passé proche de lui trancher la gorge en plein milieu d'un champs de bataille à peine un an plus tôt. Quoiqu'il était aussi toujours du tempérament à verser le sang de son équipage...

Spike observa donc les deux personnes se dévisager. Qu'est-ce que chacun pouvait penser? Thomas semblait plutôt être dégoûté par l'insolence de sa maîtresse, et elle? En fait, pendant le premier tentait d'intimider la deuxième, cette dernière se perdait dans ses pensées. Elle profita que son nouveau capitaine se tienne juste devant elle pour l'examiner d'avantage. Il n'était pas si pire que ça. Bon, il était peut-être un peu trop bien habillé élégamment pour un capitaine de pirates et il se prenait vraiment trop au sérieux avec ses airs de bourgeois. Par contre, ses deux grands yeux étaient perdants et peu importait le regard glacial qu'il était en train de lui lancé. Son visage, peut-être un peu trop féminin au goût de la jeune fille, lui donnait en quelque sorte un certain charme qui n'était pas à ignorer.

*Je me demande...*

"Ainsi, mademoiselle, vous paraissez vous ennuyer un peu, toute seule sur cet immense navire... Je me trompe ?"

Il venait de lui adresser la parole? Finalement! Elle était vraiment sur le point d'entrer dans son monde imaginaire. Kyt se méfia quelque peu de se que préparait son supérieur. Avec son air et son ton sadique en plus du fait qu'elle ne connaissait pas exactement de ce qu'il était capable, elle ne savait pas ce qu'il manigançait.

"Après tout, il est vrai que vous n'avez pas dû être sélectionnée parmi les équipages qui devaient préparer des abordages, et je crois même deviner pourquoi..."

Elle du se faire violence pour s'empêcher de demander la raison qu'il lui passait par la tête. Elle en avait peut-être assez fait pour pouvoir se permettre de l'interrompre. De toute façon, sa curiosité de connaître la suite était une motivation suffisante pour se taire.

"Dans ce cas, je vous invite à rejoindre mon équipage pour notre prochain abordage. Nous aurons besoin à notre bord de personnes telles que vous qui savent garder les pieds sur terre..."

*Non? Il est sérieux?*

Kyt n'en revenait pas. Il lui offrait de faire partie du prochain abordage... d'un ton des moins invitants, mais c'était sans importance le ton ou la façon, elle n'allait pas passer cette chance de se sortir de la Tempête ennuyante à mourir. Malgré sa surprise, elle n'en perdit pas la contenance qu'elle avait depuis qu'elle avait fait son petit numéro. Elle avait quand même son orgueil à maintenir intact.

"Des gens tels que moi... qui savent garder les pieds sur terre... au fond, qui puissent garder au sol ceux qui aurait tendance à avoir la tête un peu trop enflée!"

En disant ses paroles, d'un ton ressemblant étrangement à l'insolence, Kytta s'était avancée jusqu'à n'être plus qu'à quelques centimètre du nez affilé du capitaine.

"N'est-ce pas, Thomas?"

Cette question n'avait aucun son d'impertinence ou de défi. Elle sonnait plutôt d'une innocence pure, comme si elle demandait à un ami son avis sur un sujet tout à fait banal. Par contre, le vrai sens caché était un accusation que son vis-à-vis avait lui-même la tête enflé. Allait-il s'en rendre compte? Kyt n'en portait aucune importance, ce pourquoi elle poursuivit.

"J'accepte donc ton invitation. Ça va nous faire du bien, à Spike et à moi, de se dégourdir un peu."

* Oh, misère... Et voilà qu'elle me tutoie, à présent... *

Même si cela lui déplaisait profondément de se faire traiter comme un misérable matelot, le jeune homme choisit prudemment de ne rien en montrer. Elle ne payait rien pour attendre, cette morveuse insolente, et il ne tarderait pas à lui faire ravaler son sourire. En fait, il était même terriblement impatient de son prochain abordage...

Il ricana intérieurement en saisissant l'allusion plutôt insultante qu'elle lui lançait d'un ton si assuré. Eh bien, qu'elle se moque donc de lui si ça lui faisait plaisir ! Rira bien qui rira le dernier, et on verrait qui de la gamine avec les pieds sur terre ou du capitaine à la tête trop enflée aurait finalement le dernier mot...

* Intéressant... Cette horrible chose a un nom : Spike... Je me demande ce qu'elle a pu lui faire pour qu'il reste tout le temps collé à elle, comme ça... *

- Si nous sommes d'accord, c'est parfait, lança-t-il en se tournant brusquement vers l'arrière du pont dans un geste qui fit voltiger sa fine queue de cheval dorée. Je t'attendrais sur le pont de la Rosemarie ce soir, à six heures. Tâche de ne pas être en retard, où on décollera sans toi...

Il avait des choses à faire, des choses bien plus importantes que de s'envoyer des insultes à la figure avec une petite pirate effrontée. Des choses moins plaisantes, certes, mais qui étaient tout de même capitales et qu'il ne convenait pas de reléguer au seconde plan trop longtemps.

En soupirant, il s'apprêtait donc à prendre le chemin du pont inférieur où l'attendaient les différents capitaines de la flotte quand il s'arrêta, pensif, avant de revenir à la jeune fille.

- Au fait, tu ne m'as pas dit comment tu t'appelais...

Non pas qu'elle l'intéressait, sûrement pas ! Mais il aimait bien connaître le nom de ses interlocuteurs (et de ses ennemis...), et il n'allait quand même pas l'appeler la "fille au singe"...

En fait, il était curieux d'en savoir un peu plus sur son compte. Est-ce qu'elle avait de la famille, des amis ? (*Sûrement pas beaucoup *, se dit-il avec un sourire narquois). Quel âge avait-elle ? Elle paraissait assez jeune, plus jeune que lui en tout cas, mais comment être sûr avec les femmes ?

Elle devait être donc sur la Rosemarie à six heure. C'était bien une des choses que Kytta ne maîtrisait pas encore, c'était bien l'art de connaître l'heure. Apparemment qu'il était facile de savoir l'heure du jour par l'emplacement de l'astre du jour, mais seulement lorsque la technique était su. Kyt devait sérieusement penser à demander de l'aide à quelqu'un de lui apprendre le tout, surtout si elle voulait un jour devenir pirate indépendant. Oui, ça et tout ce qui avait question avec l'orientation, car Kyt n'avait aucun sens de l'orientation. C'était bien beau qu'elle réussissait toujours à retrouver le bateau après chaque abordage...

*Son cul non plus n'est pas si pire...*

Tels étaient les pensées qui passaient par la tête de la jeune fille au moment où son capitaine lui tournait le dos pour aller elle ne savait où, mais elle fut vite ramenée à la réalité lorsque le dit capitaine se retourna et lui demanda son nom. La toute première réaction de Kyt fut l'étonnement -la bouche moitié ouverte comprise-. C'était plutôt compréhensible lorsqu'on pense que son dernier capitaine, en plus de ne pas vouloir le savoir, ne faisait aucun effet pour s'en souvenir trois secondes après qu'elle le lui ait dit. L'étonnement passé, ce qui ne dura que l'espace d'une à deux secondes, un petit rire fut sorti. Elle s'avança ensuite pour se rapprocher de son capitaine et revenir aussi proche qu'elle l'était peu avant. Elle ignora complètement le sourire narquois affiché sur le visage de son capitaine.

"Tiens, tiens, tiens! Voyez-vous ça! Ce cher Thomas veut connaître mon nom. Intéressant!"

Elle plongeait ses deux yeux foncées dans ceux de son interlocuteurs. Ils étaient bleus et claires, d'une belles profondeurs, presqu'à s'y perdre... ce qu'elle passa proche de faire. Elle se rappela vite à l'ordre. Elle ne devait pas se laisser aller en plein milieu d'une discussion avec son capitaine à la tête enflée.

"Même plus qu'intéressant..."

Son ton était sérieux et penseur, peut-être mesquin même, mais personne ne pouvait dire vraiment ce que la jeune pirate préparait, car ceux qui la connaissait pouvait dire qu'elle était plutôt dure à suivre dans ses raisonnements et dans sa façon d'agir. Elle avait toujours été décousu dans ses idées et se n'était pas avec un nouveau capitaine qu'elle commencerait à être plus prévisible. Elle était bien de toute façon dans son caractère imprévisible... Soudain, elle surprit Spike par son changement d'attitude. Elle se décontracta complètement, afficha un sourire amical et sincère et tendit la main.

"Je m'appelle Kytta! Lui c'est Spike. Contente de te connaître Thomas!"

Ce n'était pas dans son habitude d'être sympathique avec un supérieur, surtout si c'était le capitaine qu'elle venait d'insulté peu de temps avant. Une étincelle de malice passa justement dans les yeux noirs de la pirate. Furtive et invisible à ceux qui ne la regardait pas dans les yeux à ce moment précis, mais parfaitement évidente pour Sire Chesterland qui la dévisageait.

"Peut-être, qui sait, que tu feras un meilleur capitaine que le précédant..."

Bon, d'accord. Là, elle avait réussi à l'estomaquer.

Pris au dépourvu, le jeune homme ne savait plus trop quelle attitude adopter face à cette gamine mi-insolente, mi-gentille qui semblait changer de tempérament et d'humeur aussi vite qu'une girouette prise dans un orage...
Il y a deux minutes, elle l'insultait et là, elle faisait comme si ils étaient comme les deux doigts de la main ?!

Légèrement déconcerté, il la regardait fixement depuis quelques secondes, et sans doute devait-il avoir l'air un peu idiot. Se maudissant intérieurement, il émergea de son immobilisme ébahi et posa les yeux sur le visage de la jeune pirate. Elle lui souriait franchement, avec une sincérité qui ne pouvait être feinte, et il s'aperçut avec étonnement que ce sourire ne lui était franchement pas désagréable. En fait, elle en devenait bien plus séduisante, et il se surprit à rougir comme un adolescent.

Sentant ses joues s'empourprer, il pesta un peu plus contre sa propre stupidité. Lui qui détestait montrer quoi que ce soit aux gens, se faire avoir à ce point par cette gamine, quelle humiliation ! Il avait senti son masque imperturbable glisser un bref instant sous le sourire chaleureux de la jeune fille, et il s'en voulait de lui avoir montré une telle faiblesse...

Partagé entre la gêne et la vexation, il n'arrivait plus à se recomposer une attitude neutre. La phrase de la jeune fille le surprit profondément, car bien qu'il ne se soit pas attendu à un sourire de sa part, il espérait encore moins un compliment.

Il hésita quelques secondes avant de serrer la main de la pirate, lui renvoyant un sourire timide et un peu maladroit qui adoucissait beaucoup ses yeux océan. Il n'avait pas été franc avec quelqu'un depuis longtemps, et il avait perdu l'habitude des relations humaines autres que les conventions, mais au point où il en était...

- Je suis aussi heureux de te connaître, Kytta.

A sa grande surprise, il s'aperçut qu'il ne mentait pas. Une lueur de malice traversa les yeux sombres de son interlocutrice et il ajouta, ses yeux autrefois si froids maintenant teintés d'amusement :

- Merci pour le compliment, mais si tu crois que cela va effacer tes insolences, c'est raté...

Son sourire s'agrandit, mais il n'était ni ironique, ni mesquin, et le jeune Capitaine se trouva soudain un peu troublé. Il ne se souvenait pas que c'était si agréable de sourire à une jolie fille...

Il avait rougit? Ça lui allait plutôt bien et ça ajoutait un petit quelque chose à son charme. Même ses yeux s'étaient adoucis. C'était décidément un bel homme ce nouveau capitaine, quoiqu'un peu efféminé sur le plan physionomique, mais maintenant, il semblait pour Kyt plus humain qu'il ne lui avait paru, ce qui confirma son affirmation. Il allait faire un meilleur capitaine que le précédent. Il faut dire par contre que pour Kyt, le dit précédent n'était pas très difficile à battre. Le seul point qu'elle appréciait était qu'il n'y avait pas vraiment de moyen de s'ennuyer vu les nombreux abordages fait avec la Tempête. Il ne restait à voir comment Thomas dirigeait ses attaques. Elle était presque convaincu déjà qu'elle allait l'aimer celui-là! De plus, l'amusement qui se lisait dans ses yeux nourrissait la bonne humeur de la jeune fille.

*Je me demande s'il...*

"Merci pour le compliment, mais si tu crois que cela va effacer tes insolences, c'est raté..."

Le sourire de son capitaine s'agrandit ce qui la rendit quelque peu perplexe. Elle ne lisait aucune méchanceté ni dans son regard ni dans sa voix et pourtant, le dire semblait presque à un avertissement. Cela ne la décontenança pas en apparence pour autant. Une lueur de malice se plaça sur ses lèvres. Il voulait sans doute essayer de l'impressionner ou justement, de lui faire demander pardon... du moins, se faire croire que c'est ce qu'elle faisait. Elle n'allait pas embarquer dans son petit jeu, s'il y en avait un. Elle allait rester fière, droite et un minimum impassible devant cette tête qui était moins enflée qu'à l'apparence.

"Je ne cherchais pas non plus ton pardon. Ce qui est dit est dit et lorsque je dis quelque chose, c'est parce que je le penses."

Il n'y avait aucune agressivité dans sa voix, seulement une douceur que l'on retrouve dans toute conversation civilisée entre deux amis. Elle continuait de plonger son regard dans celui de son capitaine. Plonger était le mot en effet, car Kyt y retrouvait le même bleu lorsque la Tempête survolait les flots de la mer.

"Ne vas quand même pas penser que je m'abaisserais à ce niveau. Ce n'est que pour les faibles qui ont peur des autres."

Kyt n'avait pas lâché Thomas des yeux. Elle voulait voir comme il réagirait face à son commentaire, mais aussi par le fait qu'elle n'avait pas encore lâché sa main non plus. Ce n'était pas qu'elle la retenait, mais disons qu'une bonne demi-minute s'était passée et ils se serraient encore la main. Son ton par contre s'était approché de l'avertissement. Elle ne voulait surtout pas se faire passer pour une faible, car elle était exactement le contraire. Elle le savait depuis bien des années, mais l'année précédente le lui avait confirmer. Elle était bien plus forte que d'autres...

Thomas, un peu surpris de la réaction de la jeune fille, se retrouva partagé entre la gêne et l'agacement. Et dire qu'il n'avait dit ça que sur le ton de l'humour, pensant qu'elle allait simplement en rire ! Mais, visiblement, la belle pirate avait pris son "avertissement" très au sérieux et il se retrouvait maintenant plutôt ennuyé qu'elle lui prête des intentions qu'il n'avait pas.

* Déjà qu'elle me prenait pour un espèce de type insensible, alors après ça, ça va être encore pire... *

Cette pensée qui naissait sous son crâne fut immédiatement suivie d'une autre, pleine de reproches :

* Mais pourquoi est-ce que je me soucie de ce qu'elle peut bien penser de moi ?! *

C'est vrai, ça ! Ce n'était pas du tout son genre de prendre à cœur les opinions des gens sur son compte, et il avait pourtant l'habitude qu'on le considère comme un type froid et aristocratique auprès duquel il ne valait mieux pas se montrer trop familier... D'habitude, il s'en fichait royalement de la franche camaraderie entre matelots ou des grossières tentatives de drague des roturières dans les ports où ils accostaient. Alors pourquoi est-ce que maintenant...

C'était sans doute parce qu'elle était la première personne à s'intéresser à lui autrement que pour sa belle gueule ou pour son poste envié. Elle seule avait osé se moquer ouvertement de lui, pourtant sans aucune méchanceté, et lui tendre ensuite la main sans une once de rancune dans le regard. Il ne savait pas trop pourquoi, mais il semblait qu'elle arrivait à lui faire momentanément perdre tout ses repères, et elle avait franchi les barrières de froideur et d'indifférence sous lesquelles il se cachait avec tant d'insouciance et de facilité que cela en était déconcertant.

- Calme-toi, fit-il doucement. J'avais compris que tu n'étais pas faible...

La voir redevenir comme avant, agressive, sur la défensive, lui avait fait comme un petit pincement au cœur. Il s'aperçut alors avec embarras qu'ils se serraient encore la main, et il se dégagea avec une gêne maladroite. Il se tourna vers le bastingage, le regard perdu dans les nuages qui défilaient autour d'eux, et lorsqu'il lui fit de nouveau face, son expression avait reprit sa froideur impassible.

- N'oublie pas : ce soir, à 6h, sur le pont de la Rosemarie.

Il fit volte face et commença à s'éloigner, très droit, le talon de ses bottes cirées claquant sèchement sur le pont de bois de la Tempête.

Il y eu une sorte de froid qui s'installa soudain entre les deux pirates. Kytta ne cherchait pas à refroidir l'atmosphère, au contraire, elle aurait voulu qu'elle s'enflamme. Au lieu de se remettre à argumenter et d'ajouter une réplique cinglante comme il l'avait déjà fait plus tôt, il lui dit tout simplement de se calmer et lui dire qu'elle avait raison. C'en était presque décevant... mais à quoi pouvait-elle s'attendre de toute façon? Elle ne le connaissait même pas. Il retira sa main assez sèchement et détourna le regard. Tout au moment. Il avait vraiment mal prit sa remarque.

*T'en pis pour lui! S'il savait que je n'étais pas une faible, il n'avait qu'à ne pas parler de pardon!*

Cette pensée était peut-être plus pour se convaincre que pour constater un fait, mais il n'y prêta que très peu d'attention. Thomas c'était retourner vers elle avec la même froideur agaçante de l'autorité en général. C'était justement un des points les plus énervant pour la jeune fille; l'impression que ceux plus gradés regardent les moins gradés comme s'ils n'étaient rien d'autre que des objets. Ce n'est pas parce que tu as plus de responsabilités que tu mérites plus de vivre qu'un autre. Le petit regard d'arrogance qu'elle avait eu lors de son manège au début revint dans ses yeux au moment où le Capitaine tournait les talons pour aller elle ne sait où.

"Tu es vraiment un être des plus intéressants, Thomas. C'est aussi plutôt surprenant que celui qui se dit le capitaine de la plus grande flotte pirate existante soit le premier à détourner le regard. Chez les animaux, c'est celui qui est soumis qui dévie le regard."

Spike, qui était toujours sur l'épaule de sa maîtresse, fit un léger bruit que l'on aurait puis prendre pour un "Uh ho!". Il voyait un peu le trouble que la jeune fille était en train de se trouver et il ne voulait pas être pris dans cette future bataille. Il sauta donc sur le bastingage et se hissa juste au-dessus des têtes des deux nouveaux adversaires avec les cordages. Ainsi placé plus haut, il aurait une meilleure vue d'ensemble tout en entendant chaque parole qui se dirait. Ce n'était pas parce qu'il ne voulait pas en faire partie qu'il n'apprécierait pas le spectacle. Kyt s'apercû évidemment que le poid sur son épaule avait filé, mais elle ne lui en voulait pas. Après tout, il n'était aucunement impliquer dans tout cela.

*Je suis vraiment en train de retenir un capitaine qui voulait me laisser en paix?*

Cette idée germa en elle, mais mourut aussi vite qu'elle était apparue. Elle aimait pouvoir se moquer de lui tout simplement. Avec ce long regard prolongé qu'ils avaient partagé, il était trop facile de répliquer. Elle ignorait seulement ce qui l'attendait et son imagination travaillait très fort en ce moment, un peu trop même.

Thomas, en entendant ses dernières paroles, stoppa net, silencieux et immobile. Il avait cru qu'ils pourraient s'entendre ; il l'avait réellement cru, mais cela lui paraissait à présent si futile...
Elle ne semblait disposée ni à lâcher les armes, ni à faire la moindre concession, et il n'était pas d'humeur à lui concéder quoi que ce soit, surtout si elle le prenait sur ce ton !

- Tu parles des animaux comme si tu en étais, fit-il remarquer avec sécheresse, et tu semble t'appliquer à toi-même les règles qu'ils se fixent.

Il revint soudain vers elle et se pencha pour la saisir soudain par le cou. Malgré son apparence féminine et sa carrure frêle, il possédait une force physique tout de même supérieure à celle d'une jeune fille, et il serra juste assez pour qu'elle sente la froideur de ses doigts contre sa peau. Approchant lentement son visage pâle contre celui de la pirate, il lui souffla, une lueur glacée dans le regard :

- Cependant, je ne suis ni un animal, ni un imbécile, alors ne t'avise plus jamais de me parler sur ce ton...

Dans ses yeux bleus couleur de lagon dansait une flamme terrifiante, et il n'était pas difficile de s'apercevoir qu'il n'hésiterait pas à se montrer plus violent, si cela était nécessaire...

Il fallait qu'elle comprenne que lui aussi, il n'était pas faible. Elle le défiait depuis tout à l'heure, et il avait trouvé cela plutôt amusant, pour ne pas dire plaisant, mais là, elle avait franchit une limite à ne pas dépasser, et ce n'était pas tant son orgueil et sa fierté qui le poussaient à se montrer si dur, mais plutôt la précarité de sa position. Il ne pouvait pas se permettre que l'on mette en doute son autorité, sans quoi il se retrouverait bien vite avec un poignard planté dans le dos...

- Tu te crois fière, avec ta grande théorie de la soumission ? Mais sache que moi, je ne me soumets jamais, et à personne ! Ne t'avise plus jamais de me traiter de lâche, sans quoi je te promet que j'éplucherai moi-même ce beau minois de la lame de ma rapière...

Il saisit la lame de sa main libre et la porta au cou de la jeune fille, trop loin pour lui érafler mais assez près pour qu'elle sente la moiteur de l'acier contre sa gorge...

- Je n'ai à justifier devant toi ni mes paroles, ni mon attitude, mais saches tout de même qu'il est parfois bon pour un Capitaine de savoir placer ses sentiments de côté pour agir avec raison, et pas toujours avec ses tripes, comme toi tu le fais ! Cesse d'agir en gamine, et essaye de te comporter de manière adulte ! Peut-être alors comprendras-tu que d'accepter des concessions n'est ni se soumettre, ni s'humilier ! Au contraire, c'est simplement savoir être humble et montrer du respect envers les autres en reconnaissant que l'on n'est ni infaillible, ni au-dessus de tout...

Elle voulait faire de l'effet, c'était fait... même peut-être un peu trop. Sa voix était sèche et clair. Elle avait toucher le point sensible, mais elle avait parti aussi un feu dangereux avec lequel elle risquait fort bien de se brûler si elle ne faisait pas un peu plus attention. Oui, elle était un animal, en fait, ils étaient tous des animaux, mais peu semblaient s'en rendre compte. Peut-être que c'était seulement à force de vivre avec un animal qu'on pouvait seulement alors s'apercevoir de la ressemblance.

Il revint, mais pas pour un autre échange de regard amical, mais plutôt pour la prendre par le cou. Il ne fallait pas le sous-estimer par ses traits fins, il avait de la poigne. Il ne serrait pas tant que cela, mais elle savait qu'il ne forçait aucunement. Oui, il était un animal! Un imbécile? Ça restait encore à confirmer. Est-ce qu'elle oserait à nouveau lui parler sur ce ton? Bien sûr que oui. Kyt avait la manie, peut-être mauvaise, d'aimer jouer avec le feu et même parfois de passer sa main dedans pour voir à quel point il peut être chaud. Tant pis si elle se brûlait, tant pis si elle perdait le contrôle, elle s'amusait.

Elle savait qu'il n'était pas un lâche. Pour devenir le capitaine de la flotte, il ne fallait pas être un lâche... Tiens, il trouvait qu'elle avait un beau minois... Tout le long, Kyt avait garder son petit air de défi qui ne la quitte jamais quand elle confronte quelqu'un, mais elle le perdit l'espace d'un instant lorsque la lame vint se poser sur sa gorge. Elle était encore plus froide que les doigts qui la retenait. Elle l'écouta bien sagement avec la pointe d'inquiétude dans le regard jusqu'à la fin. Il avait réussit à l'impressionner, mais s'il voulait qu'elle se pli à agir en 'adulte', il pouvait toujours rêver. Lorsqu'il eu enfin terminer de lui faire la morale, Kyt perdit tout air de peur et se mit à rire d'un rire franc et clair.

"Si tu penses que les hommes ne sont pas des animaux, ça se voit tout de suite que tu ne regarde jamais comment ils se comportent. Oui, on est peut-être ci-vi-li-sé, mais lorsque la vraie nature se réveille, lorsque la peur ou la colère nous prends, on ne peut pas plus ressembler à des animaux. Tu regarderas la prochaine fois que tu pilleras un village. Les habitants hurlent et courent dans tous les sens. Les pirates hurlent et courent, mais aussi détruisent et violent tous ce qui bougent. Si ce n'est pas les agissement d'animaux, je ne sais pas ce que c'est."

Son corps s'étaient mis à trembler légèrement. Elle ne savait trop comment Thomas allait réagir, mais surtout, elle combattait contre l'envie de se laisser submerger par la colère. Elle ignorait des talents d'escrimeur de son agresseur et elle ne voulait pas non plus se calmer en se rendant compte qu'elle l'avait tuer. Cela ferait d'elle le nouveau capitaine... elle ne voulait même pas y penser. Au lieu, elle s'écarta de la poigne qui retenait en agrippant les poignets menaçants. Cela la força à reculer d'un ou deux pas, mais elle revint pour coller son visage encore plus près de celui de son vis-à-vis. Son ton monta et elle eu peine à se retenir de lui envoyer son crochet du droit dans sa petite face de jeune fille.

"Et peut-être que tu trouve que j'agis en jeune fille, et alors? Toi, tu n'agis pas en gamin en t'emportant comme tu le fais? Et de toute façon, les adultes ne sont pas mieux que les gamins. Ils sont hypocrites et ne cherchent qu'à bien paraître devant ceux qui ont supposément plus de pouvoir qu'eux. Ils ridiculisent les plus faibles et se ridiculisent eux-mêmes pour se faire aimer des plus forts. Ils se prennent trop aux sérieux et il n'y a plus de place pour relaxer et profiter de la vie. Alors, si tu trouve que j'agis comme une gamine, et bien, c'est tant mieux comme ça!!"

Puis, elle dégaina une de ses dagues, la lame vers le bas et la plaça contre le cou de son capitaine. Elle approcha ses lèvres de l'oreille de Thomas. Sa voix devint plus suave et presque murmurer. Son sourire malicieux était revenu.

"Et si tu tiens vraiment à jouer à se petit jeu avec moi..."

Elle fit glisser la lame le long du torse de haut en bas pour la faire passer juste derrière la dite oreille mentionnée plus haut.

"Ça va me faire plaisir de participer. J'ai toujours aimer ce genre de jeu..."

Puis, une idée sordide lui entra dans la tête. Elle voulait lui montrer que même s'il lui avait montrer qu'il ne se laisserait pas insulter aussi facilement qu'elle n'avait pas peur de lui, au contraire. Elle s'avança encore d'avantage jusqu'à pouvoir aller chercher le lobe d'oreille avec sa langue. Elle se retira pour le regarder à nouveau dans les yeux.

"Et je sens que ça serra des plus intéressant avec toi. Alors on se voit ce soir, Thomas!"

Elle lui fit un clin d'oeil et se retourna avec l'idée d'aller chercher ses affaires. Elle en avait assez fait pour aujourd'hui... peut-être même un peu trop. Elle se doutait un peu qu'il ne la laisserait pas partir aussi facilement, mais si c'était le cas, elle sentait qu'elle allait y goûter le soir venu ou sinon, dans les jours qui suivraient.


[Ok, j'y suis peut-être été un peu fort... peut-être! Mais tu m'as tellement donné de quoi d'inspirant. J'ai hâte de voir ce que Thomas va penser de tout cela!]

Il avait senti en proférant ces paroles froides d'avertissement qu'elle s'était imperceptiblement raidie, ses yeux fougueux teintés d'une sorte de respect qui disparut, hélas, aussi vite qu'il était arrivé. Il avait pour l'instant repris l'avantage, mais il était conscient que cela ne durerait pas, et malheureusement pour lui la suite des évènements allait le confirmer.

Soudain, elle éclata de rire. Il l'avait légèrement prise au dépourvu en la menaçant de son arme, et il s'était rendu compte avec une satisfaction jubilatoire qu'il avait, l'espace d'un instant, réussit à l'impressionner, mais c'était déjà fini. Il regrettait d'avoir perdu son calme, lui, l'imperturbable, car il sentait inconsciemment qu'elle était si têtue qu'elle poursuivrait jusqu'à avoir le dernier mot, fut-ce dans la mort, mais il ne pouvait en aucun cas lui laisser l'avantage. Ni son orgueil ni sa position ne le lui permettait.

Il l'écouta d'une oreille distraite, perdu dans sa colère. Ce qu'elle disait était absurde ! Elle qui se targuait de tout savoir des animaux, elle aurait dû savoir que les hommes, que leur vraie nature était bien pire que celle de la plus méprisable des bêtes. Les bêtes ne tuaient pas par plaisir ! Les bêtes ne torturaient pas, ne violaient pas, ne massacraient pas ! Non, les hommes n'étaient pas des animaux, car aucun animal ne s'abaisserait jamais à agir de cette façon si hypocrite, si sordide, si indigne d'un être vivant qui était l'apanage des hommes...

* Nous ne méritons même pas l'air que nous respirons, alors comment ose-t-elle nous comparer à d'autres êtres vivants ?! *

Elle lui reprocha ensuite de s'emporter, reproches qu'il trouva profondément injustifiés puisqu'elle savait pertinemment que c'était elle, avec ses sarcasmes et ses insolences perpétuelles, qui l'avait placé dans cette situation impossible ! Si il reculait, il perdait la face, et si il avançait, qui sait jusqu'où cela pouvait aller ?

Brusquement, elle sortit à son tour son arme, une dague qu'elle porta au cou du jeune homme, menaçante. Elle était très proche de lui, bien plus que ne l'exigeait la bienséance, et il pouvait sentir son souffle caresser son cou tandis qu'elle lui murmurait des provocations à l'oreille. Il sentit la lame glisser doucement contre son torse dans un délicat avertissement, et les battements de son cœur s'accélérèrent. Il frissonna, mais pas de froid ou de crainte. Son souffle se fit plus rauque tandis qu'il tentait de libérer son poignet engourdi, mais elle avait bien prévu son coup et elle lui tordait d'une manière qui l'empêchait de bouger suffisamment le bras pour se libérer.

Voilà que, en quelques secondes, les rôles s'étaient inversés. L'agresseur était devenu prisonnier, et il avait commis une erreur en pensant que sa menace suffirait à l'impressionner et à la faire reculer. Décidé à ne pas lui céder le moindre pouce de victoire, il parvint à garder un regard impassible et il réfréna la poussée d'adrénaline qui montait en lui, l'incitant à frapper. Il ne voulait pas se montrer violent, bien qu'il soit à présent pris de pulsions meurtrières : sa nature de gentilhomme et sa fierté aristocratique lui interdisait de faire du mal à une femme, même si cette femme était aussi dangereuse et mauvaise qu'un nid de vipères...

Soudain, ses pupilles s'arrondirent de stupeur. Le murmure suave et languissant de sa voix s'était éteint brusquement, et elle, elle...

Il n'arrivait pas à croire qu'elle ait osé faire une chose pareille ! Il avait très distinctement senti sa langue contre son lobe, et ce contact bref mais électrisant lui avait fait oublier toutes ses bonnes résolutions. Alors qu'elle se dégageait pour partir, un clin d'œil moqueur (à moins qu'il ne soit aguicheur) à son intention, il jeta soudain sa rapière avec force contre le pont, où elle alla se ficher dans un bruit sourd, et il lui prit le bras. Alors qu'elle se retournait, il lui fit un croc-en-jambe et il la précipita à terre, l'écrasant de tout son poids pour l'empêcher de se relever.

Elle heurta assez brutalement le sol, et il profita de son étourdissement pour l'immobiliser, pesant sur ses jambes et plaquant ses poignets au sol de ses mains libres. Quand il fut sûr qu'elle ne pouvait pas se dégager, les bras en croix, il approcha ses lèvres à quelques millimètres de celles de la jeune fille et murmura très bas mais tout à fait distinctement :

- Ne... refais... jamais.. ça !

Ses pupilles océan s'étaient réduites à deux fentes haineuses et sa voix autrefois impassible était maintenant déformée par une terrible fureur...

[cela t'étonne^^ ? De toute façon, au point où tu en es, ça peut difficilement être pire... J'aimerai juste qu'on en vienne pas aux mains, si cela ne te dérange pas !]

[J'aime trop comment les choses se déroulent. C'est savourant!! Vraiment! C'est ok pour ne pas en venir aux mains, si tu y tiens. Mais je tiens à ce que tu saches que tu es tellement inspirant pour être aussi... garce!]


Elle ne l'avait pas vu venir celle là. Elle avait à peine eu le temps de lui tourner le dos qu'il lui aggripait le bras, la forçant à se retourner. La première chose qu'elle sut par après fut qu'elle s'écrasait contre le pont. Sa tête se heurta violament se qui l'empêcha de riposter à la seconde. Ceci donna donc la chance à Thomas de la plaquer au sol bien solidemment sans qu'elle puisse se dégager. Il l'écrasait complètement et elle ne pouvait le repousser, ayant les bras en croix. Il avait beau avoir une allure frêle, il avait un bon poids. Sa tête sonnait encore un peu, mais elle était parfaitement consciente qu'elle était en position de désavantage et qu'il allait être difficile de s'en sortir... avec l'orgueil intact du moins. Ça lui apprendrait de tourner le dos à un adversaire de taille.

Elle le regarda avancer la tête vers elle. Ses traits étaient complètement déformés par la rage. Ses yeux, s'ils en avaient été capable, l'auraient incendiée sur place. Elle avait réussit à le sortir complètement de lui. Il n'y avait plus cette sorte de barrière de froid et d'insensibilité. Elle récoltait maintenant la tempête qu'elle avait semer. En effet, cet océan dans ses yeux se déchaînait.

"Ne... refais... jamais... ça!"

Il était proche, très proche... peut-être même un peu trop. Leur nez et leurs lèvres se touchaient presque. La première chose qui lui passa par la tête fut le questionnement de ce qu'ils pouvaient avoir l'air. Peut-être deux tourteraux sans pudeurs... elle chassa vite cette idée de ses pensées. De un, il n'y avait pratiquement personne sur le pont, ensuite, les chances qu'elle se retrouve vraiment en train de batifoler avec un capitaine étaient nulles. Si elle lui faisait des façons, se n'était seulement que pour le provoquer... et pour ses yeux... et peut-être pour ses deux belles fesses...

Elle ne détestait pas le fait qu'il s'en soit prise à elle, comme cela, au corps à corps. Normalement, lorsqu'elle provoquait un membre de la gente masculine, ceux-cirépliquaient seulement en l'insultant davantage ou s'en allaient tout simplement en vociférant après elle. Rares étaient ceux qui la menaçaient réellement de leurs armes et seulement un jusqu'à ce jour avait osé la frapper. Elle était restée avec un oeil au bord noir plus d'une semaine, mais cela avait vallu le coup, même qu'elle préférait cela. Soit les hommes ne voulaient pas s'en prendre à elle de peur de la briser ou justement parce qu'ils avaient peur de se faire battre par une gamine. Thomas ne le savait peut-être pas encore, mais sur la Tempête, Kytta avait une certaine réputaion de battante. Elle avait souvent le dessus sur plus grand qu'elle. Comment? C'est justement toute la beauté de la chose...

Cette fois, on l'attaquait au corps à corps, sans lâcheté, sans peur de la briser. Son cerveau travaillait à une vitesse allucinante. Elle devait trouver quelque chose à dire, quelque chose à faire... et pourquoi ne pas y aller franchement?

"Dommage... parce qu'au moins, comme ça, tu agis vraiment comme un homme maintenant!"

Elle aurait pu pousser son audace jusqu'au bout et d'y aller carrément avec sa toute première idée, mais ça la répugnait un peu et les yeux meurtriers qu'elle avait droit la dissuadèrent complètement. Elle ne pouvait quand même pas s'avouer vaincue! Que NON! Personne n'aurait le dessus sur elle tant et aussi longtemps qu'elle aurait la force de se battre, tant qu'elle serait en vie finalement... si elle restait en vie évidemment.

"C'est vrai! Avec ta face trop féminine, j'aurais presque pu croire que t'étais un froussard, un capitaine qui fait faire la salle job aux autres, mais maintenant, je sais que t'es vraiment un homme qui n'a pas peur de se salir les mains."

Son petit sourire malicieux était plus que jamais collé à ses lèvres. C'était vrai que comme ça, même avec son corps bien modelé, les gens pourraient croire qu'il était un faible.

"Et dis-moi, Thomas, maintenant que tu m'as nultralisé, que comptes-tu faire maintenant?"

[Je t'en prie, sois donc garce, ne te retiens pas pour moi^^ (quoique si jusqu'ici tu te retenais, j'imagine mal ce que ça peut être quand tu te lâche !) Mon perso n'est pas du genre à frapper une femme, mais comme tu le vois, cela n'est pas inenvisageable si tu le pousses à bout (ce que tu fais assez bien jusqu'à présent...) C'est très drôle de s'engueuler comme ça, et mon perso peut aussi être vraiment odieux (tu risques de le découvrir très vite^^) quand il s'y mets... Je suis là jusqu'au début août, donc je pourrais encore RP d'ici là...]

Thomas, bouillonnant littéralement de rage (et les allusions à son physique de gonzesse n'avaient décidément rien fait pour le calmer...), en était encore à réfléchir au châtiment qu'il allait lui faire subir quand un bruit -hélas- aisément reconnaissable se fit entendre sur le pont.

Quelqu'un venait, et il se dirigeait droit vers eux.

Aussi rapide qu'une bourrasque courroucée, le jeune homme se releva d'un geste, libérant la jeune fille qu'il maintenait prisonnier de son poids. Jurant intérieurement, il épousseta ses habits et rajusta sa chemise froissée, un regard incendiaire en direction de l'insolente comme pour la prévenir. Si il y avait une chose, une seule, qui le répugnait par-dessus tout, c'était bien l'idée d'être aperçu dans un moment pareil, à en venir aux mains avec cette insupportable gamine, d'autant plus que la scène était sans aucun doute plutôt équivoque...

Il ne savait pas trop si il aurait dû prendre les paroles de celle-ci pour une injure ou pour un compliment, mais il décida vu son attitude de les classer dans la catégories "insultes extrêmement humiliantes". Ce n'était pas la première fois qu'on se moquait de son visage de femme, et il traitait ordinairement ces insultes basses et viles avec tout le mépris qu'elle méritaient, mais là, elles ne firent que décupler sa rage.

Il sentait qu'il avait de loin dépassé les limites de la simple fureur, et il voguait maintenant dans les eaux calmes et paisibles de la haine pure et froide.

Les bruits de pas se rapprochaient, et les talons de fer qui claquaient sur le bois indiquaient qu'il s'agissait sûrement d'un haut gradé. Le regard fixé vers le tas de caisse qui les masquaient encore à la vue de l'importun, le Capitaine tentait vainement de se calmer et de retrouver son air impassible, en vain. Il pria pour n'être jamais vu dans un tel état par quiconque d'autre que cette fille, et le Roy décida finalement d'exaucer ses voeux.

Les bruits de pas décrurent soudain pour aller disparaître dans les entrailles du navire. Immensément soulagé, le jeune homme osa à nouveau respirer et ses épaules contractées par la tension s'abaissèrent doucement.

Un bruit se fit entendre du côté des cordages, et Thomas leva les yeux vers le singe qui s'y balançait doucement, observant la scène avec curiosité. D'un mouvement brusque, il détacha sa rapière du pont, un lueur mauvaise dans les yeux. La lame virevolta vers les hauteurs, esquivée de justesse par l'animal qui alla se réfugier plus haut en lançant des cris sauvages.

- Je laisse pour l'instant la vie à ton primate pouilleux, lança le Capitaine à la jeune fille encore allongée sur le pont, mais prends garde : si tu n'apprends pas un peu les bonnes manières, il se peu que je décide de récupérer sa peau pour m'en faire une ceinture...

Le fin ruban qui retenait ses cheveux avait glissé sans qu'il s'en aperçoive, et ses longs cheveux blonds lui cascadaient à présent sur les épaules et dans son dos comme un rideau de lumière pâle.

[Ok, je sais que tu voulais que je fasse une garce de moi, j'espère que je ne t'es pas trop déçu cette fois. Je n'a pas trouvé grand chose à répliquer, mais ça ne devrais pas tarder. Avec ta prochaine réponse, je suis sûre que je vais recevoir l'illumination!... ok, je vais cesser les divaguation et place au spectacle!]


Elle attendait sa réponse presque avec impatience. La situation devenait des plus intéressantes Enfin un peu d'action! Suffit les paroles et place aux actes... C'est ce qui motivait son petit sourire malicieux. À son grand regret, un bruit attira l'attention des deux jeunes gens vers l'extérieur, les ramenant à la réalité. Pendant leur petite chamaillerie, le monde continuait de tourner et de vivre. Qui pouvait-ce être?

Tac-tac, les pas se rapprochaient. À son grand désappointement, Thomas se releva précipitamment, replaçant ses vêtements un peu maladroitement. Tac-tac, Spike, qui était toujours suspendu au-dessus de sa maîtresse regardait dans la direction du nouvel arrivant. Tac-tac, Kyt se releva sur ses coudes et fixa son capitaine. Il était peut-être le dit froussard finalement. Tac-tac, les pas étaient proches. Qu'allait-il penser en la voyant étendu sur le dos en face de Thomas, car oui, elle était toujours allongée. Elle ne s'était pas donné la peine de se relever. Peu importait ce qui serait penser et rapporter aux autres. Une histoire se relativise, se transforme et s'argumente. Tac-tac... Les pas n'allait pas s'approcher d'avantage. L'intrus s'éloignait déjà, laissant le capitaine et son matelot dans leur intimité... enfin, façon de parlé!

Kyt pu remarqué, à force de le fixer, les épaules de Thomas se décontractés au fur et à mesure que le son des pas mourrait dans l'obscurité des caves du navire. Que craingnait-il exactement? Il était debout et elle étendue presque de tout son long à terre. En apparence, c'était lui qui avait l'avantage. Pour elle, ce n'était qu'en apparence bien sûr. Pour elle, elle avait le dessus.

Spike fit un mouvement pour redescendre aux côtés de sa maîtresse, observant que le danger était passé, mais il se trompa. Ses réflexes le sauvèrent alors qu'une lame menaçante passa tout près de lui. Même le plus idiot des imbéciles pouvait comprendre que ce les sons sortis de l'animal n'était pas de douces paroles à l'égard de son agresseur. Et face à l'insulte, il répliqua. Personne ne sut exactement comment le capitaine fut appelé, mais l'imagination est une chose tellement extraordinaire qu'il est inutile pour l'auteur de se donner la peine de traduire. (Que de paresse je fais preuve!)

"Je laisse pour l'instant la vie à ton primate pouilleux, mais prends garde: si tu n'apprends pas un peu les bonnes manières, il se peu que je décide de récupérer sa peau pour m'en faire une ceinture..."

C'est à ce moment que les cheveux longs et brillants de Thomas se détachèrent et tombèrent délicatement sur ses épaules. Ils étaient encore plus soyeux que les siens. Elle ne pouvait pas nier que ça allait bien avec son... charme, mais ça ajoutait aussi à sa féminité. Elle se releva d'un bond, et s'approcha à nouveau de Thomas. Pas aussi proche que les autres fois par contre, il y avait quand même des limites.

"De un, le primate, comme tu dis, est plus propre que plus de la moitié des membres de ton équipage. De deux, bonne chance pour le rattrapé, personne n'a réussit à l'avoir jusqu'à ce jour. De trois, t'as toujours pas répondu à ma question! Si tu n'avais pas eu peur de te faire prendre pour je-ne-sais-quoi, que comptais-tu faire exactement après m'avoir immobilisée contre le sol?"

Elle s'avança encore d'un pas. C'était vraiment plus fort qu'elle. Lorsqu'elle n'arguait quelqu'un, elle sentait qu'elle devait être le plus près possible. Entrer dans l'espace de l'autre était pour elle une façon de montrer qu'elle n'avait pas peur de son vis-à-vis. Elle ne savait pas encore elle-même se qu'elle cherchait obtenir à narguer autant Thomas, mais c'était au moins divertissant! Je pense que ça commence à rentrer dans votre tête, chers lecteurs, que Kyt adore se payer la tête de l'autorité... ou du monde en général qui l'encourage à agir de la sorte.

"Oh! Et j'allais oublier, ta chevelure ajoute une petite touche très... comment dirais-je, ça fait très jolie. Ça serait des plus séduisant sur une fille..."

Aucunement besoin de préciser que le ton prix pour cette dernière réplique était malicieux, mais surtout odieux.

[J'ai jamais dit que tu m'avais déçu, tu étais déjà pas mal garce avant^^Décidément, tu cherches vraiment la baston ! Bon ben dans ce cas...]

Cette fois, c'en était trop. Cette sale petite morveuse insolente avait largement franchie les limites, et le jeune Capitaine sentait ses dernières réserves de patience s'évaporer au fur et à mesure que montait le feu grondant de sa fureur. Elle n'écoutait rien, n'avait honte de rien et elle se comportait de cette façon si provocatrice, si... vulgaire qui donnait à son interlocuteur une furieuse envie de la balancer par-dessus bord.

Il n'avait pas eu sa saleté d'animal, mais ce n'était que partie remise ; un de ces jours, il sortirait son mousquet, et on verrait bien qui, de l'homme ou du singe, aurait le dernier mot. Elle se releva et avança vers lui, mais il nota avec une pointe de satisfaction (et de soulagement) qu'elle se tenait à une distance respectable, cette fois. Peut-être la leçon avait-elle été malgré tout un tant soit peu profitable...

Hélas, il dû s'apercevoir bien vite qu'il s'était fait des idées. Elle avait déjà fait quelques pas pour se rapprocher de lui, sans doute parce qu'elle comptait sur cette intrusion dans sa sphère privée comme un moyen de le déstabiliser. Mais le Capitaine n'avait aucune envie de laisser transparaître son trouble, et même si sa bonne éducation lui interdisait de se comporter ainsi, il cacha sa répugnance et il fit lui aussi quelques pas en avant, ses yeux bleus aux teintes hypnotiques immobilisant ceux de la jeune fille.

Sa main droite lâcha la rapière qui alla heurter le pont dans un tintement de métal tandis que sa main gauche se levait pour aller saisir la bretelle qui traversait l'épaule de la flibustière. D'une lente traction, il attira contre lui pour lui murmurer à l'oreille d'une voix glacée :

- Ce que je comptais faire... ne regarde que moi...

Il était bien plus proche d'elle que la décence ne le permettait, et il ne put retenir un frisson en sentant cette peau douce et soyeuse en contact avec la sienne. De loin, on aurait sans doute pu les prendre pour deux sœurs, celle aux cheveux blonds étreignant fraternellement celle aux cheveux noirs. Seulement, quiconque eut été en mesure de plonger son regard dans les yeux de Thomas n'y aurait trouvé rien de fraternel ; il n'y avait que de la haine, une haine pure et féroce qui luisait comme une flamme crépitante dans une forêt de bois sec. La moindre parole suffisait désormais à alimenter cet incendie ravageur qui luisait au fond de ses yeux et qui se répandait à une allure folle. Partagé entre le trouble d'être aussi proche d'elle et son effroyable fureur, il resta un instant indécis, à la regarder. Devait-il lever la main et la frapper de toute ses forces pour faire taire ce feu qui brûlait en lui ? A moins que...

Toutefois, il se maîtrisa rapidement, décidé à lui montrer de quoi il était capable. Elle voulait jouer avec le feu, soit ! Mais après ça, qu'elle ne vienne pas se plaindre d'avoir été brûlée...
Elle avait beau être la première personne à le mettre dans un état pareil, et elle pouvait bien être aussi étrangement séduisante qu'elle le voulait, il n'y avait quasiment aucune chance pour qu'il ressente autre chose pour elle que cette haine féroce. Cette proximité, cette intimité lui était étrangère, mais il ne fallait pas qu'elle se fasse des illusions, non plus ! Si il continuait à garder ce côté légèrement équivoque vis-à-vis d'elle, ce n'était que parce que cela l'amusait, et rien d'autre...

La dernière insulte de la jeune fille eut raison du peu de patience qui lui restait. Furieux, il pivota soudain pour la précipiter contre le pont d'une poussée. Cette fois, il ne pu contrôler leur chute et ils roulèrent contre le pont, chacun essayant d'avoir le dessus sur l'autre...

[Puisque tu me donnais le choix de la suite des événements, je me suis laisser libre de choisir sans t'en parler avant. Si tu y vois un quelconque inconvénient, tu n'as qu'à me prévenir et j'en changerai la teneur.] 


Elle savait qu'il était presque à bout. Elle savait qu'il n'en manquait pas beaucoup pour qu'il perde complètement maîtrise de lui-même... et elle aimait ça. Elle avait enfin le dessus sur les nerfs de quelqu'un qui se disait membre de l'autorité, qui se disait plus important et meilleur que les autres... Elle réussissait à jouer son petit jeu aussi loin sans avoir la gorge tranchée; c'est ce qui serait probablement arrivé avec Dolovan alors qu'il était encore aux commandes. Au contraire, il embarquait à fond dans son jeu et il la poussait à continuer et à aller toujours plus loin. Ce fut même lui qui franchit la distance qui les séparait encore. Il alla jusqu'à aller aggriper sa bretelle pour l'attirer tout contre lui. Elle pouvait sentir son souffle chaud sur sa peau. Il ne faisait que l'encourager décidemment...

La réponse qu'elle eu la désapointa un tant soit peu. Pourquoi autant de mystère? À l'entendre parler, il aurait raconter le tout d'une façon si... si... intéressante! Mais en même temps, il lui laissait toute la place à l'imagination. Qu'avait-il eu en tête? Peut-être rien. Il n'avait peut-être qu'agit sous l'impulsion de la colère et aurait décider d'improviser voyant comment les choses évoluraient. Seulement, avec l'intrusion d'un promeneur, il en avait profiter pour s'esquiver, manque d'idées. Ou peut-être...

En fait, elle ne savait plus trop quoi penser de l'énergumène en face d'elle. Ses yeux bleus la fascinait toujours autant, mais elle pouvait y lire à qu'elle point elle était proche de la limite, celle qui ne devrait pas être franchit par simple plaisir au risque de ne plus pouvoir en revenir. L'interdit quoi! C'est ce qui se lisait parfaitement dans l'océan ravageur. Elle se devait d'arrêter ou elle le regrèterait...

Ce fut plus fort qu'elle. Quelque chose en elle devait passer cette barrière invisible, la poussait à aller voir ce qui se cachait derrière. Il ne manquait plus qu'un pas, une simple phrase bien placée et ça y était. Au moment même où elle y posait le pied qu'elle fut projetée à nouveau au sol, mais cette fois-ci, elle ne fut pas prise au dépourvu. Ils roulèrent tous deux, ayant le dessus chacun leur tour. Finalement, lorsque l'élan provoqué par la chute se dissipa, ils s'immobilisèrent, l'un par-dessus l'autre.

Elle n'en avait peut-être pas l'air, mais elle était très fort pour une fille de son âge. À force de travailler sur le pont, de se battre sur les champs de batailles et de se chamailler avec les hommes du navires, enfin, le peu qui osaient, elle avait développé une force plutôt surprenante. C'est justement avec cette force qu'elle pu maîtrisé et immobilisé Thomas à son tour. Elle avait toujours son petit sourire moqueur... ou même un peu plus. Il bouillait littéralement sur place. Elle le voyant pas la tempête qui faisait rage dans son regard. Il avait ce regard si... intense. Elle approcha son visage de celui de Thomas jusqu'à ce que leur nez se frolle. Ils étaient si proche et si collés qu'elle pouvait sentir les furieux battements de coeur de son capitaine.

Ce qui se passa par la suite, même elle ne pu expliquer le bien fondé de la chose. En fait, rien qu'en y repensant, la nausée lui prend... mais eu lieu de perdre ses couleurs, ses joues deviennes écarlates. Même Spike resta bouche bée lorsqu'il comprit se qui se passait...

Se laissant guider par ses impulsions, elle posa ses lèvres sur celles de Thomas.

[pas de problèmes, je t'avais laissé exprès le contrôle de la situation^^ On peut dire que j'ai été surpris ! Bon, voyons comment tu vas m'expliquer ça...]

Quand il eut repris ses esprits, le jeune Capitaine constata avec horreur que, contre toute attente, il avait eu le dessous. Non seulement elle l'avait plaqué au sol de tout son poids, mais en plus elle pesait juste assez pour l'empêcher de se relever, faisant montre d'une force qu'il ne lui soupçonnait pas.

* Elle pèse plus qu'elle en a l'air, en fait... *

Il se sentait furieux, déstabilisé et surtout honteux. Jamais encore il ne s'était fait battre par une fille, jamais ! Et cette fois-ci, l'humiliation était double, puisque cette même fille était celle qui l'insultait copieusement depuis une bonne demi-heure. La haine qui l'habitait pouvait se lire dans ses yeux clairs, et il bouillonnait intérieurement d'une fureur indescriptible, vouant aux pires tortures cette misérable petite morveuse qui avait osé le défier. Tandis qu'elle approchait son visage du sien, une atroce lueur moqueuse dans ses yeux et son insupportable sourire aux lèvres, il tressaillit de rage et d'indignation.

* Elle me le paiera... Je vais la tuer, la dépecer, la... *

Soudain, cette voix intérieur se tut. Quelque chose de nouveau s'était produit, quelque chose que même dans ses rêves les plus délirants, il n'aurait pu envisager. Son cerveau embrumé, sous le choc, lui envoyait des messages incompréhensibles, et il ne pouvait rien faire d'autre que de sentir cette douce pression sur ses lèvres, cette saveur inconnue qui prenait possession de son corps, cette sensation à la fois chaude et glacée qui inondait son être dans un délicieux torrent d'excitation.

Ses pupilles s'arrondirent de surprise et, le temps qu'il ne s'aperçoive de ce qu'il faisait, il lui rendait déjà son baiser avec une fougue et une ardeur dont il ne se serait pas cru capable. Il avait l'impression que ses muscles agissaient tout seuls, le poussant à coller son corps contre celui de celle qu'il haïssait le plus. Il n'avait qu'un désir : se laisser aller, s'abandonner à cette exquise étreinte qui unissait leurs deux êtres, s'oublier dans ce baiser qui le troublait tant.

- Assez !

Sa voix tonna comme le claquement d'un fouet. Par un effort qui lui semblait alors surhumain, il avait réussi à récupérer suffisamment de sa lucidité pour s'arracher de cette étreinte envoûtante. Il s'était soudain écarté, profitant de ce bref moment de trouble pour se libérer d'elle, et il la dévisageait avec une expression qui tenait à la fois du désir et du dégoût.

Il tremblait. Ses longs cheveux emmêlés ruisselaient de part et d'autre de ses épaules et sa chemise entrouverte laissait deviner son torse trempé de sueur. Il avait l'air d'un noyé que l'on tire brusquement de la mer qui le tue, et il frissonnait comme si il eut réellement été dans une eau glacée et inconnue. D'une voix rauque, déformée par la haine, il lança, encore honteux de sa propre réaction :

- Qu'est-ce que tu as ?! Qu'est-ce qui te prends de m'embrasser, maintenant ?! C'est encore l'un de tes stupides tours ?! Si c'est le cas, sache que cela ne m'amuse pas, au contraire, alors ne tente plus jamais l'expérience !

Hélas, le trouble et le plaisir qui avait brillé dans ses yeux suffisait pour démentir ces paroles prononcées à la va-vite, et cette manière maladroite de se sortir d'affaire ne suffisait pas à masquer le fait qu'il avait, de toute évidence, participé de son plein gré à ce baiser. Son cœur battait la chamade tandis qu'il suivait de son regard les formes de la jeune fille, et il tenta de se reprendre, en vain. Il avait l'impression que, devant cette femme, il était inutile d'espérer garder son calme, et elle semblait être passée maîtresse dans l'art de le rendre fou...

[Contente de savoir que je t'ai surprise... même si en y repensant bien, c'était peut-être un peu prévisible... j'espère seulement qu'on ne tombera pas dans l'indescence ;P]


Il répondit à son élan, mais, contrairement à toute attente, ce fut pour lui redonner son baiser. Il l'étreignait proche de la sensualité de ses bras forts. Leur souffle s'accélérait au rythme où leurs baisers s'échangeaient. Ses lèvres étaient douces et ses baisers vigoureux et tendres à la fois. Elle fut surprise du bien-être qu'elle en ressorti. Elle s'était complètement jeté dans les bras de la représentation de ce qu'elle détestait le plus au monde: l'autorité. Seulement, il avait quelque chose de différent, de... moins. Il avait beau la regarder avec un regard rempli de haine, il ne tentait par tous les moyens de la faire sentir comme une bonne à rien, de moins bon que lui-même. Il n'était pas à exclure la possibilité que cette idée ait pu traversée son esprit de capitaine, mais il ne semblait pas y tenir si farouchement que les autres.

Elle fut tiré de cette transe dans laquelle elle était plongée lorsque Thomas la fit chavirer et criant que s'en était assez. Il était alors maintenant l'un en face de l'autre, mais toujours à terre, se dévisageant. Lui semblait être allé faire trempette, elle, comme elle avait couru pendant des heures. Toute essoufflée, ses cheveux étaient emmêlés, la sueur aussi perlait sur sa peau bronzée et une de ses bretelles était tombée sur son bras, dénudant complètement son épaule.

Son regard de haine la dévisageait encore et toujours. Curieusement, elle s'y faisait peu à peu à cette mer déchaînée, à ce péril constant, cette épée de Damoclès qui pendait tranquillement au-dessus d'elle, attendant son heure. Comment un homme aux allures aussi féminines pouvait être source à la fois de dangers et de désirs?

Ce fut lui qui brisa le silence qui avait semblé être une éternité, mais qui n'avait duré que quelques secondes... Ce qu'elle avait? Si elle le savait elle-même. Et s'il ne voulait pas qu'elle l'embrasse, ce n'était qu'à lui de ne pas la jeté à nouveau à terre... après réflexion, cette excuse ne valait rien. Pour une fois qu'elle était restée sans voix, elle évita ainsi d'avoir l'air stupide... stupide comme ses tours... mais quels tours? Il croyait qu'elle s'amusait à se moquer de lui? En fait, oui, c'était le cas, mais pour ce qui était avant le baiser. Bien sûr, il ne pouvait pas le savoir, mais pour qui il se prenait pour l'accuser ainsi? Ce n'était pas comme si elle l'avait niaiser pendant une bonne demi-heure avant de l'embrasser... Ok, mauvais exemple.

Par contre, il ne réussirait pas à lui faire croire qu'il n'avait pas apprécier le moins du monde leur échange plutôt affectif. Cette façon qui l'avait étreint et maintenant ce petit quelque chose dans sa voix le trompaient. Elle n'était pas douée pour voir normalement ce genre de détail, mais là, c'était un peu trop flagrant.

"Ça t'amuses pas?"

Elle avait toujours son ton arrogant, mais cette fois-ci, il y avait moins d'assurance. Elle aussi avait été troublée par ce qui venait de se passait, même si elle en était l'auteur. Pourtant, ne réfléchissant aucunement à ses actes, comme à son habitude, (elle n'apprendra pas!) elle avança à nouveau vers lui à quatre pattes, se rappelant, mesdames et messieurs, que nos chers pirates étaient toujours au sol. Sans le toucher, elle pris place à nouveau au-dessus de lui, plongeant son regard dans le sien.

"Ce n'est pourtant pas c'que tu m'as fait comprendre..."

Si elle continuait, ce n'était que pour le provoquer. Elle savait que ça lui tombait sur les nerfs et elle aimait l'énerver pour le simple fait de l'énerver, pas pour voir les frissons qui parcouraient son corps ni pour qu'il la regarde. Ce n'était que pour l'énerver qu'elle continuait... C'est ce qu'elle tentait fortement de se convaincre.

[t'inquiète pas, il va pas te sauter dessus non plus le Capitaine^^ Il est bien éduqué, LUI ]

Visiblement, son petit bluff avait très mal marché.
Elle avait tout à fait compris qu'il simulait une indifférence méprisante pour oublier le fait qu'il lui avait rendu ses baisers avec une force égale, sinon supérieure à la sienne. Elle s'était parfaitement rendu compte de l'effet que la sensation de son corps contre le sien avait eu sur lui, et il était probable qu'elle ne le laisserait pas s'en tirer comme ça.

Même si elle avait visiblement agi par pulsion, ce qui était finalement plutôt flatteur pour le jeune homme, il ne pouvait imaginer qu'elle ne souhaite elle non plus prolonger ces étreintes.

Et pourtant...

Alors qu'il s'était écarté à une bonne distance, toujours allongé à terre et les cheveux défaits, elle s'était rapprochée à nouveau, un sourire narquois sur le visage, et elle était venue se placer au-dessus de lui dans une pose sensuelle qui laissait suggérer bien des choses...

* Mais... Je rêve ?! Elle en reveut, en plus ?! *

Il ne savait pas si elle faisait ça à tout les types qu'elle croisait (dans ce cas, il était tombé sur une nymphomane), si c'était de la provocation ou si elle désirait réellement qu'ils aillent plus loin. Il n'avait absolument aucune idée de ce que préconisait sa bonne éducation dans ce genre de situation (probablement un truc du genre "évitez de vous retrouver dans cette position") et il craignait par-dessus tout ce que l'on allait pouvoir penser si on les surprenait dans une position si... indécente.

Après tout, il n'y avait guère d'ambiguïtés : elle était à quatre patte au-dessus de lui, ses cheveux emmêlés trempés de sueur et une bretelle de son bustier à moitié ôtée, tandis qu'il la regardait, sa chemise entrouverte laissant apercevoir son torse et sa tenue froissée comme s'ils s'étaient battus (ce qui, en l'occurrence, avait été plus ou moins le cas).

* Bon sang... Comment je vais me sortir de là ?! *

Son regard dériva vers le décolleté de la demoiselle, mais il rougit et s'empressa de le relever vers le visage moqueur qui le surplombait (vision ô combien moins attrayante). Il était partagé entre deux sentiments forts, complexes et totalement opposés : le désir et la haine.

Les paroles qu'il entendait étaient une véritable incitation à la débauche, et il tenta de ne pas y prêter attention, quoiqu'il n'eut pas été contre, dans d'autres circonstances, l'idée de donner plus d'ampleur à cette affaire. Mais il ressentait encore une colère froide qui brouillait son esprit, et il parvint encore à garder un semblant de contrôle sur lui-même malgré l'indécente mais si tentatrice posture de la séduisante pirate.

Seulement, c'était sans compter l'obstination de la jeune fille. Celle-ci voulait absolument avoir le dernier mot, et elle réussit à capturer les yeux de Thomas de son regard intense et envoûtant.

Hypnotisé, il tenta de résister à l'attrait de ces terribles yeux sombres, en vain. Après une longue lutte visuelle, il se sentit faiblir. Sa volonté vacilla, et, sans se rendre parfaitement compte de ce qu'il faisait, ses lèvres se rapprochèrent de celles de la jeune fille, offertes...